Dump it

Poison de l'âge adulte

J’ai rayé un nouvel élément de ma bucket list, mais ça m’a à peine marquée.

Ce n’est pas tant l’importance de l’élément en soi qui m’interpelle, mais plutôt le fait de l’avoir coché sans même m’en rendre compte. C’est ce décalage qui m’a fait réfléchir : j’ai coché tellement d’items, et pourtant, l’euphorie du simple fait de les inscrire dépasse largement celle de leur réalisation.

Le profil de l’adulte éteint, fade et ennuyeux ne se manifeste-t-il pas dès le départ, finalement, de cette manière ? Une légère nonchalance sournoise face à la concrétisation de projets conçus plus jeune ? Ces projets sont naturellement moins stimulants, car lorsqu’ils étaient idéalisés, je n’avais ni le même âge, ni les mêmes aptitudes, ni le même courage, ni le même entourage. L’euphorie à l’idée de dormir dans un bateau, par exemple, était plus cohérente avec mon esprit de jeune fille peu stimulée.

Mais, plus je m’accomplis, plus je ressens un certain « blah » et y prête attention. Pour moi, cette indifférence sournoise fait partie du poison de l’âge adulte, un détachement progressif de l’exaltation de l’enfance, une répression de l’enthousiasme, peut-être même le début de l’ingratitude et de l’insatisfaction éternelle, auxquelles je m'oppose.

Une opposition qui, ironiquement, a tendance à isoler ceux qui tentent de résister au poison, puisque compresser son exaltation est devenu un effet de mode. Comme si l’émerveillement brut, celui qui ne se contrôle pas, celui qui échappe au filtre du détachement élégant, était devenu une faiblesse.

On lisse ses émotions, on tempère son enthousiasme, on recadre l’éclat dans un format socialement acceptable où le but est d’être mesuré, ne pas trop s’emballer et se contenir. L’exaltation est donc étouffée, on tend vers son effacement progressif, discret, presque imperceptible, et on finit par ne plus la ressentir du tout.

On finit par ne plus rien attendre, ni des événements, ni des autres, ni de soi. Juste cocher des cases, accumuler des expériences vides de substance, anesthésiées par l’habitude de ne plus vibrer.

Peut-être que c’est ça, devenir adulte, apprendre à survivre sans exaltation. Mais pour chaque poison, il y a un antidote, et moi, je l’ai. Passe pv bb ;)